La Voix du Nord - 12/10/2006
Le chômage dans le football, la face immergée de l’iceberg
Ce n’est pas parce que le foot brasse des marmites de rêves, recèle de coffres débordant de lingots avec l’insolente tranquillité du prospère sûr de son avenir, que tout y est toujours rose comme un maillot de rugby à la mode. Conjoncture, précarité et chômage font aussi partie du paysage. Et on ne parle pas seulement de soucis de riches.
PAR RICHARD GOTTE
La tendance.
– « Il y a quelques semaines, nous étions optimistes. Mais force est de constater que nous sommes revenus au niveau des dernières saisons. » Fataliste, René Charrier, l’ex-pro devenu vice-président de l’UNFP (Union nationale des footballeurs professionnels), considère que « le phénomène est inscrit dans le temps ». Il pointe 104 joueurs libres, dont environ 80 chômeurs, le reste de la troupe glissant lentement vers la retraite, « la fin naturelle ». Dans le lot, ce qui ne réjouit vraiment pas, c’est le rajeunissement des stages. « En quelques années, la moyenne d’âge est passée de 27-28 ans à 23-24 ans. Ça prouve qu’il est de plus en plus difficile de s’installer dans la carrière. » Aujourd’hui, signer pro n’est plus une fin en soi.
Les ressources.
– En foot, il y a chômeur et chômeur. Exemple : Fabien Barthez, jeune retraité, a vécu une fin d’été difficile, avec trois mois de chômage qui l’ont poussé vers la sortie. En théorie, il était éligible aux ASSEDIC. Les pros peuvent souvent prétendre à la limite des indemnités, environ 5 700 E en ce moment (57 % du plafond de la sécurité sociale multiplié par quatre).
À l’abri.
– Chômeur après une dernière saison partagée entre Bordeaux (L1) et Créteil (L2), Laurent Leroy, l’enfant de Nungesser qui brilla au PSG de 1998 à 2003, reconnaît avec honnêteté qu’il n’est pas dans le besoin. Le Nordiste a su placer son argent (dans l’immobilier) quand il a afflué généreusement. Aujourd’hui, il suit en supporteur VA, le PSG et cherche un club (L1, L2 ou l’étranger) pour le seul plaisir du foot, ses vibrations. « Moi, je suis un battant à la manière d’un Savidan. J’ai eu ma chance quand j’étais jeune. Aujourd’hui, on ne me la donne plus, on ne pense qu’à mes blessures alors qu’en 2005 je n’en ai pas eu une seule.»
Au boulot.
– Pour Arnaud Lebrun, un autre ancien de la maison valenciennoise qui vit la première année de chômage de sa carrière, le métier de footballeur est encore une question d’avenir. Le Cambrésien revenu chez lui après une saison manquée à Laval (L2, « le plus gros échec de ma carrière »), est dans l’attente d’une réponse de Libourne-Saint-Seurin (L2). À 33 ans, il ne s’estime absolument pas au bout du rouleau. « Mon physique a toujours été mon point fort. Quand je vois Stéphane Grégoire, qui joue encore avec Dijon à 38 ans... Il n’y a qu’en France qu’on se met une barrière avec l’âge, qu’on refuse deux ans de contrat après 30 ans. Ça ne se passe pas comme ça en Angleterre ou en Italie.» Le défenseur ne cache pas que la solution peut venir de l’étranger. Une société spécialisée vient de réaliser son « book » sur un DVD pour attaquer le marché américain. « Le recrutement commence en novembre. Il y a quelques choses à faire là-bas. »
Moral.
– Qu’on soit puissant ou misérable, une période de chômage n’est jamais facile à vivre, même quand on est solide mentalement. Arnaud Lebrun en convient, surtout au niveau de l’entraînement, de l’entretien qu’il faut faire seul. Laurent Leroy confirme. « Quand tu as été joueur pendant onze ans, que tu as eu l’habitude de te lever pour aller écouter ton coach, il n’est pas évident d’être livré à soi-même.»
Situation difficile mais pas désespérée. « Pour l’heure je suis footballeur, milite Lebrun. La reconversion, je n’y pense pas. » Et si le chômage devait s’inscrire dans la longue durée ? « Ce serait différent, mais je ne suis pas à plaindre car j’ai neuf ans de pro derrière. C’est aux jeunes qu’il faut penser. Il y a de bons joueurs en France. Il faut arrêter de toujours regarder ailleurs.»